Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/114

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ce jeune roi (Racine est déjà reçu à la cour), et ce jeune roi goûte Racine, à qui il trouve une figure noble et beaucoup d’esprit. Demanderez-vous maintenant pourquoi Racine, se décide à faire une tragédie galante et si peu tragique, dans le goût du jour ? ou pourquoi, voulant la faire, il songe à Alexandre ? D’abord, il se trouve que ce héros est disponible : je veux dire que ni Pierre ni Thomas Corneille ni Quinault ne s’en sont encore emparés. Et, justement, c’est le conquérant et le héros par excellence, et qui plaît d’autant plus au jeune Racine, que le jeune Racine, à cette époque, est, lui aussi, un conquérant, un homme affamé de gloire. Mais Alexandre galant et amoureux ? Pourquoi non ? Quinte-Curce nous le montre « honnête homme », traitant avec courtoisie la femme et les filles de Darius, épousant par amour une dame persane. Et quand nous le tirerions un peu à nous, quand nous le ferions un peu ressemblant à un héros moderne, quel mal à cela ? Et, si d’aventure on dit que c’est le roi, et si le roi lui-même se reconnaît en lui, quel mal à cela encore ? Ce n’est point, en tout cas, la flatterie directe et grossière. Que si le roi en sait gré à l’auteur… eh bien, l’auteur s’en arrangera. Je considère Jean Racine à cette époque (je vous l’ai déjà dit) comme un charmant « arriviste », très ardent et très avisé.

Donc, il s’empare d’Alexandre, et il s’arrête à