Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/118

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jeune Racine néglige parfaitement tout cela. Lorsque, au deuxième acte, Porus dit à Éphestion (et je cite le morceau pour vous montrer de quelle plume la pièce est écrite) :

Et que pourrais-je apprendre
Qui m’abaisse si fort au-dessous d’Alexandre ?
Sera-ce sans efforts les Perses subjugués
Et vos bras tant de fois de meurtres fatigués ?
Quelle gloire en effet d’accabler la faiblesse
D’un roi déjà vaincu par sa propre mollesse,
D’un peuple sans vigueur et presque inanimé,
Qui gémissait sous l’or dont il était armé,
Et qui, tombant en foule, au lieu de se défendre,
N’opposait que des morts au grand cœur d’Alexandre ?
Les autres, éblouis de ses moindres exploits,
Sont venus à genoux lui demander des lois ;
Et, leur crainte écoutant je ne sais quels oracles,
Ils n’ont pas cru qu’un dieu pût trouver des obstacles
Mais nous, qui d’un autre œil jugeons les conquérants,
Nous savons que les dieux ne sont pas des tyrans ;
Et, de quelque façon qu’un esclave le nomme,
Le fils de Jupiter passe ici pour un homme.
Nous n’allons point de fleurs parfumer son chemin ;
Il nous trouve partout les armes à la main,
Il voit à chaque pas arrêter ses conquêtes ;
Un seul rocher ici lui coûte plus de têtes,
Plus de soins, plus d’assauts et presque plus de temps.
Que n’en coûte à son bras l’empire des Persans.
Ennemis du repos qui perdit ces infâmes,
L’or qui naît sous nos pas ne corrompt point nos âmes.
La gloire est le seul bien qui nous puisse tenter,
Et le seul que mon cœur cherche à lui disputer ;
C’est elle…

— « Et c’est aussi ce que cherche Alexandre, » répond Éphestion. Et il le développe en quelques vers. Rien de plus.