Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/141

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fureur et par sa magnanimité. Quand la reine d’Argos, pour tenir deux serments qu’elle a faits, lui promet la main de sa fille et, après le mariage, la mort, non seulement il se résigne, mais il se réjouit infiniment : car enfin il aura été pendant cinq minutes l’époux de celle qu’il aime ; et qu’est-ce que la mort, je vous prie ? D’ailleurs ces amours sont chastes. La chair en est radicalement absente. La subordination, l’immolation de soi-même et, par surcroît, de l’univers entier, et du ciel et de la terre, à une petite femme raisonneuse, abondante en propos chantournés, et qu’on n’aura même pas touchée du doigt : voilà l’idéal, voilà ce qui vaut la peine de vivre et de mourir. Et les autres personnages ne le cèdent guère à Timocrate. Ils sont généreux sans effort, mais obstinément et sans retenue, non pas au-dessus, mais, ce qui est encore mieux, en dehors de la nature, de la grossière et méprisable nature. Quelle gentille société que celle qui adorait de tels rêves et qui faisait le plus formidable succès du siècle à la comédie qui lui en donnait la plus pure représentation ! Et ce que Thomas Corneille trouve là, qui ne voit, d’ailleurs, que le grand Corneille l’a cherché naïvement pendant toute la seconde moitié de sa vie ! »

C’est vrai, oui, tout cela est vrai.— Mais ce qui est vrai aussi, c’est que, s’il était possible de considérer gravement ces amusettes, on verrait que le fond de Timocrate— et de tout ce théâtre— c’est l’exaltation de la fantaisie personnelle par opposition à