Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/160

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tel trait se distingue, qui appartient à des mœurs et à une civilisation encore primitives et rudes. Mais ces dissonances sont rares : et même, sont-ce des dissonances ? La suppression d’une vie humaine par intérêt dynastique ou raison d’État, est-ce que cela n’est point pratiqué dans des civilisations très avancées ? Est-ce que cela ne pourrait absolument plus se voir aujourd’hui ? Cela, ou des choses analogues ? — En tout cas, ne peut-on pas dire que ces traits de dureté primitive, qui nous reportent subitement aux temps homériques, ne font, lorsqu’on s’y arrête, que donner du lointain à des figures que, par tous leurs autres traits, le poète a rapprochées de nous ?

Mais, que parfois il les éloigne, ou que plus souvent il les rapproche, ce n’est pas, croyez-le bien, par ignorance ou inattention, mais sciemment et de propos délibéré, afin que ces figures, tout en gardant leur caractère individuel, soient, pour ainsi dire, contemporaines d’une longue série de siècles.

Assurément, l’histoire et l’archéologie ont, depuis deux cents ans, fait quelques découvertes ; et je ne dis pas que Racine se représente le costume, les armes et les casques des héros de la guerre de Troie aussi exactement que nous le pouvons faire depuis les fouilles de Schliemann. Mais, n’allons pas nous y tromper, Racine et, en général, les gens du XVIIe siècle, concevaient très bien les différences des époques, des « milieux », des civilisations. Moins documentés que nous, ils avaient