Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/205

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Mais qui pourrait mieux parler de Bérénice que Racine lui-même ?

Ce qui me plut davantage dans mon sujet, c’est, dit-il, que je le trouvai extrêmement simple.

Et plus loin :

Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge de poètes qui ne sentaient dans leur génie ni assez d’abondance ni assez de force pour attacher durant cinq actes les spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression.

Et enfin :

Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie.

Définition libérale et souple. À ce compte, oui, Bérénice est assurément une tragédie ; mais on l’appellerait presque aussi bien une haute et noble comédie ou, comme on dit assez mal aujourd’hui, une « comédie dramatique », tant le ton en est souvent approché de la conversation des honnêtes gens. Nulle part Racine ne s’est mieux souvenu du dialogue en vers iambiques de Sophocle et