Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/213

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Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse,

dit le Musset du Souvenir.

Regarde, je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir,

dit le Lamartine du Lac ; et le Lamartine du Vallon

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.

Mais, plus magnifiquement, Antiochus :

Dans l’Orient désert quel devint mon ennui !

Une remarque me vient. Les grandes amoureuses de Racine ne sont certes pas inférieures, par l’ardeur et la démence de leur passion, aux autres « femmes damnées » du théâtre ou du roman. Et cependant avez-vous fait attention que toutes les héroïnes raciniennes sont chastes et, pour préciser, qu’aucune d’elles n’a été la « maîtresse », au sens où nous l’entendons aujourd’hui, de l’homme qu’elle aime ? Racine dit de Bérénice :

Je ne l’ai point poussée jusqu’à se tuer comme Didon, parce que Bérénice n’ayant pas ici avec Titus les derniers engagements que Didon avait avec Énée (auriez-vous cru cela ? ) elle n’est pas obligée, comme elle, de renoncer à la vie.

Ni Hermione, ni Roxane, ni Phèdre n’ont matériellement péché ; et Ériphile a beau avoir été enlevée par Achille et s’être pâmée dans ses bras ensanglantés, elle ne lui a pas appartenu. J’allais rechercher les raisons et les conséquences de cet évident parti pris de Racine. J’allais dire : « C’est