Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/214

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peut-être pour cela que toutes ces femmes aiment si fort ? » Ou bien j’allais parler de la pudeur de Racine. Mais je m’aperçois que dans le théâtre de Corneille aussi, et, je crois bien, dans tout le théâtre tragique du XVIIe siècle, on ne voit aucune amoureuse— sauf l’Ariane de Thomas— qui ait été déjà possédée par son amant, et que c’est seulement au XIXe siècle qu’on a vu sur la scène des femmes traîner avec soi les souvenirs du lit et les secouer sur le public. La pudeur, justifiée ou non, que je me disposais à attribuer à Racine, appartiendrait donc à tout son siècle.


Bérénice eut un grand succès, non sans soulever d’ailleurs beaucoup de critiques et d’attaques. Il y eut une longue lettre d’un certain abbé de Villars, que madame de Sévigné trouvait charmante, et qui me semble à peu près stupide. Il y eut les vers du ridicule Robinet ; il y eut le jugement de l’éternel Saint-Évremond, qui rapproche obligeamment Racine de Quinault :

Dans les tragédies de Quinault, vous désireriez souvent de la douleur ou vous ne voyez que de la tendresse ; dans le Titus de Racine vous voyez du désespoir où il ne faudrait qu’à peine de la douleur.

(Comme toujours, Racine paraît trop violent à Saint-Évremond.) Et il y eut une comédie en trois actes : Tite et Titus ou Critique sur les Bérénices, où l’on accuse le Titus de Racine de « cruauté »