Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/220

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Qui parle ainsi ? Segrais, d’après le Segraisiana. Et c’est assez amusant, parce que, s’il y a quelque chose de faiblement « turc », c’est bien la nouvelle inspirée à Segrais par les conversations de Cézy et qui ressemble à toutes les vagues nouvelles espagnoles du temps.

Ce qui est certain, c’est que Racine a très bien profité de Cézy, — et probablement aussi du grand voyageur Bernier qu’il avait vu dans la compagnie de Molière, de Chapelle et de Boileau, — et, en outre, de ses lectures. Ne lui demandez pas l’Orient pittoresque des romantiques : qu’en aurait-il fait ? Ne lui demandez pas le bric-à-brac des Orientales. Bajazet manque évidemment d’ « icoglans stupides », de « Allah ! Allah ! », de yatagans, de minarets et de muezzins. Dans le Bourgeois gentilhomme, joué l’année précédente, Cléante, déguisé en fils du Grand Turc, disait à M. Jourdain : « Que votre cœur soit toute l’année comme un rosier fleuri. Que le Ciel vous donne la force des lions et la prudence des serpents. » Racine aurait pu se ressouvenir de cette turquerie facile et l’adapter au style tragique. Je ne crois pas qu’il y ait songé. La couleur locale de Racine reste surtout intérieure. Mais enfin, dès le début, il marque, par quelques détails habilement placés, la civilisation où il nous transporte. Il nous fait connaître ou nous rappelle les us des sultans à l’égard de leurs frères, la loi du mariage chez le Grand Turc, et que la favorite n’est sultane