Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/223

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quelqu’un des esclaves noirs qu’on voit glisser au fond de la scène conclura le drame.

Cela est déjà assez « oriental », ne croyez-vous pas ? Mais les personnages eux-mêmes, surtout Acomat et Roxane, sont-ils donc si « francisés » ?

Le subtil Acomat est, par ses principaux traits, le type même d’une certaine espèce d’hommes politiques, et, en même temps, un Turc fort vraisemblable. Ses desseins sont bien ceux d’un vizir expérimenté et du ministre d’un despote soupçonneux et jaloux : ils n’impliquent aucune préoccupation de l’intérêt public, et le vizir ne compte, pour les réaliser, que sur l’intérêt personnel et immédiat de ceux qu’il y associe. Ce plan est hardi et assez compliqué. Comme il sait que le sultan, à son retour, le ferait probablement étrangler, il veut lui substituer son frère, qui est doux, charmant, et « de bonne mine » . Roxane, souveraine maîtresse au sérail, a reçu l’ordre de faire tuer Bajazet : mais Acomat lui montre ce brave jeune homme, et elle prend feu. Bajazet épousera Roxane, sera sultan, — puis fera d’elle ce qu’il lui plaira. Acomat doit épouser la cousine de Bajazet, Atalide (c’est pour cela que Roxane, d’abord, ne se méfie point d’elle), et restera le véritable maître de l’empire. Il est bien sûr de son affaire ; l’intérêt de Bajazet et de Roxane lui répond du succès.

Mais il a compté sans la fierté du jeune prince et surtout sans son amour pour Atalide. Il n’a pu