Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/222

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favorite. La maladroite vertu du jeune prince vient déranger les plans du vizir, et le sultan, qui veille de loin, fait tout étrangler.

Nulle tragédie n’est plus enveloppée de mystère et d’épouvante. C’est bien le sérail, tel du moins que nous nous le figurons… Roxane, au moment où commence l’action, n’a pu communiquer avec Bajazet que par l’intermédiaire d’Atalide. Personne, sauf Roxane et Acomat, ne circule librement. Durant quatre actes sur cinq, Bajazet est gardé à vue. Il y a des yeux et des oreilles dans la muraille : les oreilles et les yeux du sultan. Nous sentons cela, dès la première scène, par l’entretien du vizir avec Osmin, son agent secret. Un premier messager, envoyé par Amurat pour demander la tête de Bajazet, a été supprimé sans bruit. Mais voilà qu’à la fin du troisième acte survient silencieusement un nouveau messager, le mystérieux nègre Orcan. Tous les personnages jouent leur tête et le savent. Si Acomat, ayant échoué dans son dessein, ne peut s’échapper à temps, il recevra le cordon de soie. Si Bajazet repousse Roxane, elle le tue, mais elle meurt. Bajazet et Atalide sont entre les mains de Roxane, et Roxane est sous la main du sultan. Sur leurs passions, leurs haines, leurs ambitions, leurs amours, plane une menace générale et impartiale de mort. Ils ont tous la tête dans un nœud coulant qu’on n’aperçoit pas et dont le bout est là-bas, à Bagdad. Et, tandis qu’ils s’agitent dans cette ombre funèbre, nous avons l’impression que