Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/256

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de christianisme à la fois ; dans aucune il n’a embrassé tant d’humanité ni mêlé tant de siècles ; dans aucune il n’a répandu un charme plus délicieux et plus troublant ; dans aucune, à ne considérer que la forme, il n’a été plus poète et plus artiste[1], — à faire envie à André Chénier.

Racine est parti de l’Hippolyte porte-couronne d’Euripide et, un peu, de l’Hippolyte de Sénèque. Mais il ne faut point parler d’imitation. Racine est, à mon avis, celui des poètes dramatiques qui a le plus réellement « inventé » . Comme il avait repétri l’Iphigénie, il a totalement « renversé » l’Hippolyte.

Dans la tragédie d’Euripide, qui pourrait s’intituler, très sérieusement, Hippolyte vierge et martyr, c’est, comme l’indique le titre, le fils de Thésée qui est le principal personnage. Hippolyte est initié à l’orphisme, à cette religion secrète qui enseignait et symbolisait en ses rites la purification et le rachat par la douleur. C’est une sorte de jeune moine chasseur, de jeune Templier qui a consacré sa virginité à la déesse Artémis (la Diane des Latins). Il lui offre des fleurs et des couronnes, et lui adresse des prières qui rappellent de très près les cantiques qu’on chante dans les catéchismes de persévérance. Vénus, qui a pour

  1. Témoin même le fameux « récit de Théramène », qui— sauf quelques rimes en épithètes un peu trop faciles pour notre goût d’aujourd’hui, — est un morceau si coloré et d’un si magnifique mouvement.