Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/257

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Diane les sentiments que pourrait avoir le démon Astarté pour la Vierge Marie, se venge des dédains d’Hippolyte en inspirant à Phèdre cette passion furieuse, d’où sortira la perte du jeune prince. Et quand Hippolyte est ramené mourant, Diane lui apparaît, comme fait la Vierge à ses serviteurs dans la Légende dorée ; elle le plaint, le console, lui apporte presque les espérances de la vie éternelle. Dans le drame ainsi conçu, la passion de Phèdre n’est qu’un « moyen » . Son rôle est peu développé, et le poète ne craint pas de la rendre abominable : c’est elle qui dénonce elle-même Hippolyte par une lettre qu’elle écrit à son mari avant de se pendre.

La conception de Racine est toute différente, presque contraire : c’est Phèdre qui est le personnage central et favori, et voici comment il l’a vue.

Rappelez-vous que les autres grandes passionnées de Racine, Hermione, grande fille orgueilleuse, Roxane, femme de harem dévorée de sensualité, Ériphile, vaniteuse et perverse, ne savent pas, ne se demandent pas si elles sont coupables. Nous les aimons parce qu’elles sont belles, vraies, et qu’elles souffrent. Mais il est certain qu’elles n’ont pas la notion du péché.

Phèdre est la seule douce et la seule pure parmi ces « femmes damnées » ; Phèdre est une conscience tendre et délicate ; elle sent le prix de cette chasteté qu’elle offense : elle est torturée de remords ; elle a peur des jugements de Dieu.