Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/269

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autre Iphigénie par le bonhomme Leclerc aidé de son ami Goras, et d’assurer une espèce de succès factice à cette platitude. Cela était vraiment d’une méchanceté assez savante. Car la préférence, ou seulement l’égalité, accordée contre nous à un sot, nous est plus sensible que la critique la plus violente de notre œuvre.

Et vous savez qu’on fit mieux à l’occasion de Phèdre. Vous connaissez l’histoire : la Phèdre commandée à Pradon ; la duchesse de Bouillon retenant toutes les loges pour les six premières représentations de l’une et de l’autre pièce, afin de faire le vide autour de celle de Racine ; la guerre de brutales épigrammes qui s’ensuivit ; Racine et Boileau menacés de la bastonnade par ce plat duc de Nevers, et le grand Condé prenant ses deux amis sous sa protection.

J’ai voulu connaître ce Pradon, voir si par hasard il était intéressant et intelligent. Eh bien, non : c’était réellement un imbécile.

On ne sait à peu près rien de sa vie. On n’a de lui ni un autographe, ni une signature, ni un portrait. Mais ce qu’on sait bien, c’est que cet être mystérieux fut un sot. Il est, par là, immortel à sa manière. J’ai lu de lui une Réponse à la Satire X du sieur Despréaux (1694). Ce morceau est d’une rare niaiserie. Pradon écrit gravement :

Réponds, que prétends-tu ? Que le monde finisse ? Examinons un peu ce projet insensé Dont l’un et l’autre sexe est enfin offensé.