Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et, plus loin, il se montre jaloux de « réconcilier la tragédie avec quantité de personnes célèbres par leur piété et leur doctrine, qui l’ont condamnée dans ces derniers temps » .

Ainsi, — chose inattendue et pourtant absolument vraie, — Phèdre est la première étape de la conversion de Racine.

Il veut que sa tragédie soit une illustration de l’un des points de la doctrine de Port-Royal.— Il réunit, dans le personnage de Phèdre, la passion, la passion la plus criminelle par définition, — la claire conscience de la culpabilité, du démérite, de la souillure, du péché, — et enfin la crainte de Dieu représenté par le Soleil en tant que Dieu clairvoyant et par Minos en tant que Dieu punisseur. Il entendait montrer que nous ne pouvons rien, dans l’ordre du salut, sans la grâce de Dieu : c’était donc fortifier sa thèse que de supposer Phèdre « humainement » honnête, de lui prêter toutes les excuses, de multiplier autour d’elle les circonstances atténuantes ; bref, de ne pas la faire odieuse. Car, plus il marquait la noblesse d’âme de la malheureuse sur tout le reste, plus aussi il marquait, par là même, le caractère fatal de sa passion, et plus il nous persuadait que nous avons en effet besoin d’un secours surnaturel pour vaincre les tentations mauvaises.

Ah ! qu’il y a donc réussi ! Et que sa Phèdre est peu haïssable ! Il l’aimait tant qu’il n’a pu voir qu’elle dans sa pièce, et qu’il lui a subordonné tous