Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/295

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de faire roi, il détourne les yeux ( « Poursuivons notre ouvrage ! » ) et sacrifie donc à son Dieu et à ses desseins la vie de son propre enfant.

On l’a dit souvent : quand Athalie ne serait que l’histoire d’une conspiration et d’une restauration, elle serait encore la plus émouvante des tragédies politiques. Mais c’est encore une tragédie chrétienne, et, considérée ainsi, dans un esprit de foi ou tout au moins de religieuse sympathie, elle grandit encore. Car ce qui s’agite dans ce drame, ce sont les destinées mêmes du christianisme. Songez un peu que Joas est l’aïeul du Christ, et que la restauration de Joas est, en quelque sorte, une condition matérielle du salut du monde. Athalie rejoint les plus grandes œuvres, et les plus religieuses, du théâtre grec. De même qu’Œdipe à Colone enseignait aux Grecs que la faute n’est pas dans l’acte matériel, mais dans la volonté et l’intention ; de même que nous voyons, dans l’Orestie, l’avènement d’une morale nouvelle, la substitution d’une loi clairvoyante et miséricordieuse à la loi aveugle et impitoyable du talion qui perpétue les violences : de même, ce que prépare le drame d’Athalie, c’est le remplacement de la petite Jérusalem de chair par la Jérusalem nouvelle et universelle ; la Jérusalem intérieure, la Jérusalem des âmes, l’Église :

Quelle Jérusalem nouvelle
Sort du fond du désert brillante de clartés
Et porte sur le front une marque immortelle ?
Peuples de la terre, chantez !
Jérusalem renaît, plus charmante et plus belle.