Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/70

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que certains mots d’Andromaque et d’Iphigénie sont d’une épouse et d’une fille chrétiennes et expriment « la nature corrigée » . Il est bien vrai aussi que Phèdre, qui craint l’enfer, mais « qui se consolerait d’une éternité de souffrances si elle avait joui d’un instant de bonheur », ressemble souvent à une « chrétienne réprouvée » . Oui, les Phèdre et les Hermione peuvent être regardées, un peu, comme des chrétiennes à qui manque la « grâce », du moins la « grâce efficace », sinon le « pouvoir prochain » . Et, d’autre part, les pures, les vertueuses, les contenues, les Junie et les Monime, ont souvent une sensibilité qui paraît déjà chrétienne ; oui, mais une sensibilité dont Racine, enfant scrupuleux et qui voulait pouvoir les aimer sans péché, a su trouver le germe dans l’antiquité hellénique.

Assurément, ni Andromaque, ni Junie, ni Monime, ni Iphigénie, n’ont fréquenté le catéchisme de ces « messieurs », et Racine a trop le souci du vrai pour les y avoir envoyées ; mais elles sont telles qu’on sent qu’on pourrait appliquer à leur vie intérieure les mots du sage de Chéronée : « Leurs bons sentiments, ce sont les dieux qui les leur donnent » ; « leur âme est conduite de Dieu » ; quand elles ont mal fait, elles s’examinent et se confessent, et, comme elles veulent « être sauvées », elles « soignent toujours leur âme » parce qu’elles savent qu’ « il y a dans chacun de nous quelque chose de mauvais » . Tout cela, Racine