Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/94

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en cela, mais on peut dire que celui-ci aimait toutes choses. Ces passions, qui leur remplissaient le cœur d’une certaine tendresse, se répandaient dans tous leurs écrits… Ils penchaient tous deux vers le lyrique, avec cette différence qu’Acante avait quelque chose de plus touchant, Polyphile de plus fleuri.

Polyphile a apporté avec lui le manuscrit de sa Psyché pour le lire à ses amis. À un moment, il interrompt sa lecture et dit :

Dispensez-moi de vous raconter le reste : vous seriez touchés de trop de pitié au récit que je vous ferais.— Eh bien, repartit Acante (Racine), nous pleurerons. Voilà un grand mal pour nous ! … La compassion a aussi ses charmes, qui ne sont pas moindres que ceux du rire. Je tiens même qu’ils sont plus grands et crois qu’Ariste (Boileau) est de mon avis.

Et là-dessus, on discute si la comédie, qui fait rire, est supérieure, ou non, à la tragédie, qui fait pleurer. Gélaste défend la comédie et le rire par des plaisanteries qui nous font croire que Gélaste est bien Chapelle et non pas Molière. Et c’est Boileau, plus âgé que Racine, c’est Boileau, le critique en titre de la bande, qui plaide pour la tragédie, et pour le plaisir délicat des larmes et de la pitié : mais Racine-Acante approuve et goûte tous ses arguments.

Votre erreur, dit Ariste-Boileau, provient de ce que vous confondez la pitié avec la douleur. La pitié est un mouvement charitable et généreux, une tendresse de cœur dont tout le monde se sait bon gré… Nous nous mettons au-dessus des rois par la