Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/123

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tout. Peu après notre bon jeune homme plante là sa Muse, et je n’ai pas le courage de l’en blâmer. Il écrit alors, lui qui n’a rien vu, quelque roman brutal et répugnant, d’ailleurs faux comme un jeton, qui a parfois deux éditions. Puis il recommence. S’il a de la chance, il entre dans un journal où il écrit n’importe quoi. Et après ? Je vous avoue que cela m’intéressera peu.

I

M. Édouard Grenier a fait des vers toute sa vie et il a publié les premiers à trente-sept ans. Et, sauf un petit nombre de pièces qu’il a réunies sous ce titre : Amicis, il n’a composé que de grands poèmes, épiques, philosophiques, mystiques, symboliques, tragiques. Il a écrit la Mort du Juif errant, qui fait songer à Edgar Quinet et à Lamartine ; l’Elkovan, une histoire d’amour qui fait surtout penser à Musset ; le Premier jour de l’Éden, qui rappelle Milton et Alfred de Vigny ; Prométhée délivré, qui évoque les noms d’Eschyle et de Shelley ; Une vision qui évoque celui de Dante ; et Marcel, poème en dix chants, et Jacqueline, tragédie historique en cinq ou six mille vers.

Il a porté dans sa tête et dans son cœur les plus belles pensées, les plus vastes imaginations, les conceptions les plus grandioses. Chacune de ses œuvres est un de ces rêves où l’on s’enferme et où l’on vit des