Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/174

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harmonieux. Et aujourd’hui encore, que de jolis brins de plume entre les doigts effilés de nos contemporaines !

Mais avez-vous remarqué ? Elles ont tout : l’esprit, la finesse, la délicatesse, la grâce, naturellement, sans compter le je ne sais quoi ; elles ont même la vigueur, l’ampleur, l’éclat. Une seule chose leur manque à presque toutes : le don du pittoresque, ce que M. de Goncourt appelle « l’écriture artiste ». Mme de Sévigné l’a eu quelquefois sans trop y prendre garde ; les autres, non. Ce don, il est vrai, n’est déjà pas très fréquent chez les hommes (encore y a-t-il une bonne douzaine d’écrivains qui l’ont possédé de notre temps) ; mais il est si rare chez les femmes que celle qui par hasard en est pourvue peut être citée comme une surprenante exception.

D’où vient cela ? On en doit découvrir la raison dans quelque essentielle différence de tempérament entre les deux sexes ; mais laquelle ? On s’accorde bien à dire que les femmes sentent plus vivement que nous, que celles qui sont le plus femmes sont tout sentiment ; mais il ne semble pas, à première vue, qu’il y ait dans cette prédominance du sentiment rien d’incompatible avec le don du pittoresque dans le style ; au contraire. Regardons-y de plus près et tâchons d’abord de savoir en quoi consiste précisément cette faculté de peindre.

Ce que je vais dire paraîtra peut-être trop tranché, trop absolu, et on m’alléguera des exemples contraires. Il me suffit que mon semblant de théorie soit