Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/184

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blanches, aux ongles repoussés…, sa seule manière à elle de devenir une dame… » ; les « heures blanches » où les jeunes filles « dorment dans de la neige » ; « les petits rires d’enfants qui craquent comme s’ils ouvraient chaque fois un peu plus une intelligence » ; et l’insomnie, « ce grelot que la berceuse promène et ramène, roule, fixe, éteint dans la cervelle sonore des petits enfants » ; et « l’envers du sourire…, la remise en place, inconsciente et rapide, de deux lèvres menteuses » ; et, dans la vieillesse, « les yeux qui reculent dans la pensée, la bouche qui rentre, retirée de bien des tendresses ».

Et voici le charme original de ce petit livre. Cette sensibilité fine et chercheuse qui ne va presque jamais sans quelque détraquement de l’esprit ou du cœur, nous la trouvons unie, chez Mme Alphonse Daudet, à la paix de l’âme et à la meilleure santé morale. Ce diabolique et sensuel chantournement du style, cette forme que si souvent, chez d’autres écrivains, recouvre un fond troublant et triste, qui semble surtout faite pour rendre des impressions malfaisantes et qui convient si bien à la peinture des putridités, Mme Alphonse Daudet la fait servir à l’expression des plus élégants et des plus purs sentiments d’une femme, d’une épouse, d’une jeune mère. « C’est, dit-elle, de l’écriture appliquée aux émotions du foyer. » Et ailleurs elle se dit « de la race peu voyageuse, mais voletante, de ces moineaux gris nourris d’une miette aux croisées et chantant pour