Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/185

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l’écart lumineux de deux nuages ». Un art maladif et un cœur sain, un style quelque peu déséquilibré et une âme en équilibre, tel est le double attrait de ce journal, qui fait rêver d’une toute moderne Pénélope impressionniste.


{t4|III}}

En parcourant ces sortes de feuillets d’album je me suis mis à songer : Quel pourrait être, auprès d’un grand écrivain dont elle serait la compagne, le rôle d’une femme qui aurait ce cœur et cet esprit ?

Il arriverait, j’imagine, du fond de son Midi, tout jeune, impressionnable, vibrant à l’excès, avide de sensations qui, chez lui, s’exaspéreraient jusqu’à la souffrance. Il connaîtrait l’enivrement mortel, la vie affolante et jamais apaisée de ceux qui sont trop charmants et qui traînent tous les coeurs après soi. Faible, en proie au hasard et à l’aventure, victime de cette merveilleuse nervosité qui serait la meilleure part de son génie, il gaspillerait ses jours et tous les présents des fées comme un jeune roi capricieux qui s’amuserait à jeter ses trésors à la mer.

Elle le rencontrerait à ce moment. Elle aurait ce qu’il faut pour le comprendre : l’intelligence la plus fine du beau, le goût de la modernité, une imagination d’artiste, — et ce qu’il faut pour le guérir : la santé