Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

peut dire qu’il est partout égal à lui-même ou que, s’il a des degrés, ces degrés sont essentiellement variables selon les tempéraments, les caractères, les dispositions d’esprit, et selon le jour, l’heure et le moment. Germinie Lacerteux, que M. Brunetière traite avec tant de mépris, est certainement un livre moins parfait et moins solide que Madame Bovary ; mais les meilleures pages de Germinie ont pu me plaire et me remuer autant, quoique d’autre façon, que l’histoire même d’Emma. À qui m’a donné une fois ce grand plaisir, je suis prêt à beaucoup pardonner. C’est sans doute une sottise de dire à un critique qui vous semble inclément pour un livre qu’on aime : « Faites-en donc autant, pour voir ! » Mais je voudrais qu’il se le dît à lui-même. Je sais bien que les auteurs ont parfois, de leur côté, des dédains peu intelligents à l’endroit des critiques. J’ai entendu un jeune romancier soutenir avec moins d’esprit que d’assurance que le dernier des romanciers et des dramaturges est encore supérieur au premier des critiques et des historiens, et que, par exemple, tel fournisseur du Petit journal l’emporte sur M. Taine, lequel n’invente pas d’histoires. Ce jeune homme ne savait même pas qu’il y a plusieurs espèces d’invention. Je ne lui en veux point : il entre dans la définition d’un bon critique de comprendre plus de choses qu’un jeune romancier et d’être plus indulgent.

Ainsi, c’est dans un esprit de sympathie et d’amour qu’il convient d’aborder ceux de nos contemporains