Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/265

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« vertueux », c’est-à-dire où la vertu nous est peinte et finalement triomphe. Mais quelle vertu ? L’histoire de Denise, de cette fille pauvre et sage qui épouse son patron au dénouement, c’est une donnée de berquinade. Or voyez ce que cette berquinade est devenue : si Nana est vicieuse à la manière d’une bête, c’est comme une bête aussi que Denise est vertueuse, c’est grâce à son tempérament parfaitement équilibré, à sa belle santé physique. L’auteur tient à ce qu’on ne s’y trompe pas, à ce qu’on n’aille pas la prendre par hasard pour une héroïne ni croire qu’elle fait exprès d’être sage, et il y revient je ne sais combien de fois. On ne saurait imaginer peinture plus immodeste d’une vierge. Et c’est de la même manière que Pauline est bonne et dévouée. Si elle a à combattre un moment, c’est contre une influence physiologique, et ce n’est pas sa volonté qui triomphe, mais sa santé. Tout cela est dit fort expressément. Ainsi, par la suppression du libre arbitre, par l’élimination du vieux fonds de la psychologie classique qui consistait essentiellement dans la lutte de la volonté et de la passion, M. Zola arrive à construire des figures d’une beauté imposante et grossière, de grandioses et frustes images des forces élémentaires — mauvaises et meurtrières à la façon de la peste ou bonnes et bienfaisantes à la façon du soleil et du printemps.

Seulement toute psychologie un peu fine disparaît. Le plus grand effort de M. Zola ne va qu’à nous peindre le progrès non combattu d’une idée fixe,