Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/302

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Au lieu des dignes marchands et hommes de loi pareils de sort et de figure, voici M. Dufour, quincaillier ; M. Caravan, commis principal au ministère de la marine ; Morin, mercier (Une partie de campagne, En famille, etc.). Au lieu des joyeuses commères ou des nonnains sournoises, voici la petite Mme Lelièvre, Marroca, Rachelet Francesca Rondoli (Une ruse, Marroca, Mademoiselle Fifi, les Soeurs Rondoli). Et je ne dirai pas par quels couvents M. de Maupassant remplace ceux de La Fontaine.

Une conséquence de ce réalisme, c’est que ces contes ne sont pas toujours gais. Il y en a de tristes, il y en a surtout d’extrêmement brutaux. Cela était inévitable. La plupart des sujets sont empruntés à des classes et à des « milieux » où les instincts sont plus forts et plus aveugles. Dès lors il n’est guère possible qu’on rie toujours. Presque tous les personnages s’enlaidissent ou s’assombrissent rien qu’en passant de l’atmosphère artificielle des vieux contes gaulois à la lumière crue du monde réel. Et, par exemple, quelle différence entre la « bachelette », la fille galante conçue d’une façon générale, en l’air, comme une créature aimable et piquante

   Qui fait plaisir aux enfants sans souci,

et la fille comme elle est, dans toute la vérité de sa condition, de ses allures, de son langage, classée et, mieux que classée, inscrite ! Ce n’est plus du tout la