Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/320

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Allez au fond de son œuvre : vous trouverez d’abord un Flamand très épris du détail, avec un vif sentiment du grotesque ; puis le plus dégoûté, le plus ennuyé et le plus méprisant des pessimistes ; un artiste enfin, très incomplet, mais très volontaire, très conscient et raffiné jusqu’à la maladie : le représentant détraqué des outrances suprêmes d’une fin de littérature.

Voyons comment s’est développé ce qu’il y a de personnel dans son talent jusqu’au jour où il s’est lui-même décrit et défini ; comment l’esprit de des Esseintes perce dans ses premiers romans, comment tout y est déjà pris à rebours et comment tout y prépare le livre qui porte ce titre inquiétant.


I

Sac au dos est peut-être le récit le plus vraiment triste des Soirées de Médan, celui qui implique la conception la plus méprisante des choses humaines. C’est la guerre vue dans les wagons de bestiaux et dans les salles puantes d’hôpital, une interminable enfilade de détails médiocres et misérablement douloureux. L’unité d’intérêt, où est-elle ? Dans les entrailles du héros (il ne s’agit point des « entrailles » prises au figuré). Sa préoccupation dominante est celle-ci : quand pourra-t-il se soulager dans un endroit propre ? La bassesse excessive et paradoxale