Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/335

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pleine décadence, « leur déliquescence, leur faisandage incomplet et alenti, leur style blet et verdi ». Prudence, Sidoine, Marius Victor, Paulin de Pella, Orientius, etc., voilà ceux qu’il faut lire !

Tout cela est amusant ; mais, comme dit l’autre, j’ai de la méfiance. M. Huysmans a-t-il lu, vraiment lu, les auteurs dont il nous parle ? Et, par exemple, prenons Virgile et laissons le poète pour ne retenir que le versificateur. Où diable M. Huysmans a-t-il vu « cette prosodie pédante et sèche, la contexture de ces vers râpeux et gourmés, dans leur tenue officielle, dans leur basse révérence à la grammaire, ces vers coupés, à la mécanique, par une imperturbable césure, tamponnés en queue, toujours de la même façon, par le choc d’un dactyle contre un spondée, etc. » ? Des Esseintes, mon ami, vous êtes un nigaud. Par quoi voudriez-vous que Virgile terminât ses hexamètres sinon par un dactyle et un spondée ? Et vous avez tort, tout de suite après, de tant vous émerveiller sur la versification de Lucain : car c’est justement celle de Lucain qui est monotone ; et c’est la langue de Lucain qui est abstraite et sèche. Et quant à vos admirations pour les écrivains de l’extrême décadence, si elles sont sincères, grand bien vous fasse ! Ils peuvent amuser un quart d’heure par leurs enfantillages séniles ; mais ce sont eux qui sont des radoteurs et des crétins : lisez-les plutôt.

Là-dessus on apporte à des Esseintes une tortue dont il a fait glacer d’or et garnir de pierreries toute