Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/360

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même ceux de M. Alphonse Daudet ; mais enfin on ne veut pas rester trop en arrière du mouvement, on n’est pas un imbécile et on accepterait un naturalisme mitigé : M. Ohnet nous en cuisinera. Il n’a pas plus peur qu’un autre des détails vrais et familiers : « Le sucre, adroitement soulevé avec la pince, sonnait au fond de la tasse, d’où s’échappait une vapeur brûlante et parfumée. » Et il n’hésitera pas à nous parler des aphtes du greffier Fleury et de « ses bobos recouverts de leur taie blanche ». — On a des principes et on veut être respecté ; mais enfin on n’est pas de bois ; un roman n’est pas un livre d’heures, et on permet à l’écrivain de nous suggérer certaines idées agréables, pourvu qu’il n’insiste pas trop : M. Ohnet a deviné ce besoin discret. Il a, ma foi, des scènes d’amour assez vives et d’agréables chutes sur les canapés. Et quel trait de génie d’avoir, dans le Maître de forges, donné pour centre à un roman vertueux une scène scabreuse et d’avoir fait planer sur un drame si riche en beaux sentiments une image d’alcôve ! — Mais le sérieux continu ennuie ; on veut être égayé çà et là. Et voici venir le comique de M. Ohnet. Il est d’une remarquable simplicité et sait se passer d’esprit. Mlle de Saint-Maurice parlera comme la dame aux sept petites chaises : « C’est un ange que cet enfant-là ! un ange immatriculé ! » Et le notaire Malézeau répétera après chaque membre de phrase : Mademoiselle ou Monsieur le marquis. « Choses et gens, mademoiselle… Tout à votre service, mademoi-