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LECONTE DE LISLE.

Justice[1] sait les raisons de sa tristesse. D’un autre côté, l’intelligence du passé et le goût de l’exotique ont engendré une longue et magnifique lignée de poèmes où revivent l’art, la pensée et la figure des temps disparus. La poésie de notre âge et de notre pays contient toutes les autres dans son vaste sein. Hugo, Vigny, Gautier, Banville, Leconte de Lisle, l’ont faite souverainement intelligente et sympathique, soit qu’elle déroule la légende des siècles, soit qu’elle s’éprenne de beauté grecque et païenne, soit qu’elle traduise et condense les splendides ou féroces imaginations religieuses qui ont ravi ou torturé l’humanité, soit enfin qu’elle exprime des sentiments modernes par des symboles antiques. À travers les différences de caractère ou de génie, un trait commun rapproche les ouvriers de cette poésie immense et variée comme le monde et l’histoire : le culte du beau plastique. Mais il n’en est point chez qui ce culte apparaisse plus exclusif que chez M. Leconte de Lisle. Il est remarquable que celui-là soit le moins ému, qui s’est fait le poète des religions et qui s’est attaché aux manifestations du sentiment le plus intime, le plus enfoncé au cœur des races.


II


Mais quoi ! est-il donc si impassible que cela ? M. Homais aurait tort de le croire. Un petit

  1. M. Sully Prudhomme.