Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/171

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Mais ce sont là des vers classiques s’il en fût jamais. C’est « en chemise » qui serait romantique !

   …Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs
    Relevait de ses yeux les timides douceurs.

Mais ces deux vers sont composés de mots abstraits : « aspect », « fiers » (qui est un latinisme et fait double emploi avec « farouches »,) « relevait », « timides douceurs » ; quoi de plus classique ?

Romantique encore, la scène où Néron se cache derrière un rideau. Pourquoi ? parce que c’est « un moyen de comédie dont l’effet est tragique », par suite « un mélange tragi-comique »[1]. On cherche comment. Apparemment une situation n’est jamais comique ou tragique en elle-même, mais bien par l’effet qu’elle produit ; et, si le stratagème de Néron fait souffrir et trembler, comment serait-ce « un moyen de comédie » ?

La preuve que Britannicus n’est pas si romantique que le veut par endroits M. Deschanel, et même ne l’est pas du tout, c’est que, dans une page fort intéressante, il essaye d’imaginer ce que deviendrait le même sujet traité dans la forme romantique : on assisterait aux expériences de Locuste, au banquet où Britannicus est empoisonné. À la vérité, je ne vois pas trop pourquoi M. Deschanel condamne d’emblée cette conception du drame : tout dépendrait de l’exécution, qui pourrait être bonne ou mauvaise. Mais enfin, cela prouve que, pour M. Deschanel lui-même, « roman-

  1. I, p. 184.