Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/172

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tique » a par moments un sens très déterminé et qui s’oppose à « classique ». Ainsi, tandis qu’ailleurs il voit dans le romantisme l’originalité suprême et l’exalte à ce titre, il le prend ici pour une des formes du théâtre au XIXe siècle et n’en fait pas grand état. Il loue même Racine d’avoir simplifié Néron selon la méthode classique, d’avoir négligé plusieurs des aspects de ce personnage « peint avec tant de verve et de brio par M. Renan »[1]. (Je crois que ce mot de brio, soit dit en passant, choquerait un peu l’auteur de l’Antéchrist, et qu’il n’accepterait pas le compliment.) Pour moi, le Néron de Racine me plaît fort et me semble d’une grande vérité historique et humaine ; mais le fou naissant et le cabotin paraîtraient un peu plus chez lui, que je ne m’en plaindrais pas.

Il faut savoir gré à M. Deschanel de n’avoir pas découvert le moindre romantisme dans Bérénice. Mais son sentiment sur la valeur de l’œuvre manque peut-être de netteté. Il déclare à trois ou quatre reprises que la pièce est « très faible » parce qu’elle manque d’action ; mais il l’appelle d’autre part « une charmante tragi-comédie »[2], y trouve « sensibilité, éloquence familière et poétique, grâce pénétrante »[3], et dit qu’elle est « bien étonnante et filée avec un art infini »[4]. Comment une pièce peut-elle être à la fois si faible et si charmante ?

  1. I, p. 202.
  2. I, p. 257.
  3. I, p. 256.
  4. I, p. 251.