Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/182

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et très fin. Agrippine n’est pas plus invraisemblable que Catherine de Médicis ou Christine de Suède, qui étaient des femmes bien élevées et de grande tenue. D’ailleurs il s’agit ici de crimes surtout politiques, et la tradition n’en était point encore perdue. Enfin, Agrippine et Néron appartiennent à une civilisation que nous n’avons aucune peine à nous représenter et qui différait assez peu de la nôtre pour que Racine ait pu leur prêter le langage et les manières de son temps sans commettre un trop grave contresens.

Dans Bérénice, l’harmonie est parfaite entre les mœurs et les actions : est-ce pour cela que M. Deschanel trouve la pièce si faible ?

« Et vous croyez que ce sont là des Turcs ? » disait le vieux Corneille en voyant jouer Bajazet, et peut-être qu’en effet, si Roxane agit et sent a peu près comme une femme de harem, Acomat comme un vizir, et parfois Bajazet comme un homme d’Orient, leur allure et leur langage n’ont pas grand’chose de turc pour des esprits non prévenus.

Mithridate a l’habitude d’étrangler ses femmes pour s’assurer de leur fidélité. Voyez comme ces choses-là sont dites en termes élégants :

    Tu sais combien de fois ses jalouses tendresses
    Ont pris soin d’assurer la mort de ses maîtresses[1].
   .......................
    Vous dépendez ici d’une main violente
    Que le sang le plus cher rarement épouvante,

  1. Mithridate, I, sc. 1.