Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/185

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Ce n’est rien arranger du tout que de dire blanc après avoir dit noir. M. Deschanel, qui s’applique à relever ces contrastes, défend ailleurs la vérité historique des principales figures de ce théâtre. Eh bien, non ! les personnages d’Andromaque et d’Iphigénie et de Phèdre ne sont point des gens des temps héroïques ; non, Mithridate ni Assuérus ne sont point des rois d’Orient, et les Romains de Bérénice ou même de Britannicus sont Français plus qu’à demi, et, en admettant que ce soit une nécessité absolue du drame que les personnages anciens y soient toujours en partie modernisés, ils le sont ici jusqu’à l’excès. Il faut bien reconnaître qu’au temps de Racine on n’avait pas, au même degré qu’aujourd’hui, l’intelligence du passé, le sentiment et le goût de l’exotique, la notion de la variété profonde des types humains. Néanmoins Racine connaît assez bien l’histoire, entrevoit la différence des milieux et des civilisations et comment ces différences se trahissent dans le caractère des hommes[1] ; et tout cela, il cherche à le reproduire exactement ; mais, comme il étudie exclusivement le mécanisme des sentiments et des passions et élimine de parti pris presque tout le pittoresque de la vie humaine, sa « couleur locale » reste tout intérieure, toute psychologique, et est, par suite, moins saisissante : car c’est peut-être surtout par le détail des mœurs et des habitudes extérieures que se différencient les hommes des diverses époques et des divers

  1. Préface de Bajazet.