Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/238

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en vertu de sa forme même, qui se réduit au dialogue, et à cause du peu de temps dont elle dispose, de reproduire la vie avec autant d’exactitude que le peut faire le roman. Et, d’autre part, il faut qu’elle ait l’air de la reproduire plus exactement, parce que la représentation qu’elle en donne est directe et s’adresse sans intermédiaire aux yeux et aux oreilles. De ces deux conditions essentielles de l’art dramatique sont nées d’inévitables conventions sans lesquelles cet art ne saurait exister.

D’abord une action dramatique, dans la vie réelle, n’est jamais isolée, est mêlée à toutes sortes d’actions accessoires, indépendantes, indifférentes : une histoire s’entrelace avec d’autres histoires, se déroule au milieu du train-train de la vie journalière. Mais « le théâtre ne peut, cela est évident, reproduire la vie humaine dans son infinie complexité de détails ; il en prend un lambeau qu’il taille à sa fantaisie… et il le prend dans un certain but, qui est d’émouvoir ou la compassion ou la haine ou un sentiment quel qu’il soit, d’autres fois de démontrer une idée morale, religieuse, politique. Il faut donc qu’il choisisse parmi les circonstances qui s’offrent à lui de toutes parts, qu’il en retranche le plus grand nombre, qu’il en atténue d’autres et qu’il mette en pleine lumière celles qui importent le plus à la conclusion où il tend de toutes ses forces ».

C’est déjà ce que fait le romancier. Outre qu’il élague toutes les histoires attenantes à celles qui