Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/239

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raconte, il choisit les détails, il élimine ceux qui lui sont indifférents. Mais enfin, quand il saute d’une scène à l’autre, il ne nous cache pas qu’il a pu se passer bien des choses dans l’intervalle. Il détache son récit du fond de la réalité ambiante ; mais il néglige ce fond plutôt qu’il ne le supprime. Le poète dramatique est obligé de le supprimer et de relier artificiellement entre elles les scènes dans lesquelles son drame se déroule.

De plus, tandis que le romancier use à son gré de la description et de la narration, le dramaturge n’a à son service que le dialogue : il faut qu’il y fourre tout ce que le public a besoin de savoir. De là, dans l’ancien théâtre et, sous une autre forme, dans le théâtre contemporain, la convention des récits, de l’exposition, des confidents, des monologues.

Le poète dramatique n’a devant lui que trois ou quatre heures : d’où la nécessité d’abréger et de condenser. Par exemple, dans la vie réelle, la cour que fait un homme à une femme se compose d’une foule de petites démarches et de menus propos ; tout cela devra être résumé dans une « déclaration » : voyez celle de Tartufe. « C’est l’habileté de l’auteur dramatique de ramasser dans une seule circonstance frappante tous les détails similaires qu’il néglige ou, pour mieux dire, qu’il supprime absolument. »

De même, l’auteur dramatique ne saurait peindre ses personnages que par quelques traits choisis et caractéristiques. Et, comme tout se passe en dialogues,