Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/264

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contemporains ? Quelle rage de découverte et d’invention dans toute cette critique !

Et quels massacres des opinions enseignées et convenues ! — Voilà deux siècles qu’on célèbre Tartufe comme le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. « N’était le parti pris d’école et presque de faction, écrit M. Weiss, on conviendrait que le Tartufe n’est amusant d’aucune manière. » — La critique traditionnelle exalte la bonté de Molière : M. Janet dégage de son théâtre la plus saine morale et la plus correcte ; écoutez M. Weiss :

…Il est des choses sacrées sur lesquelles il faut être délicat à outrance ; la société du XVIIe siècle ne l’était guère, et Molière pas du tout. Molière n’avait pas seulement la profonde immoralité qui est l’attribut commun et très probablement la condition d’activité des grands observateurs de l’homme et de la nature humaine. Il n’avait pas seulement ce qu’on peut appeler la dureté de l’âme générale et l’inhumanité, défaut commun chez les écrivains et les personnages célèbres de son temps, seul défaut saillant d’un siècle où bien décidément le caractère et l’esprit français ont atteint leur point de perfection et d’équilibre. Il avait encore une certaine grossièreté de sentiment moral et des instincts de mauvais sujet qui lui appartenaient bien en propre et à quoi correspondait, dans son style, un goût marqué pour les grossièretés de langage.

S’est-on assez extasié sur les femmes de Molière, Éliante, Elmire, Henriette, sur leur bon sens, leur franchise, leur belle santé morale ! M. Weiss nous déclare qu’il se sent « peu de penchant pour elles ».