Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/299

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VI

Une bonne part du charme de tous ces récits est dans le choix merveilleux des détails, des traits, des mots typiques, de ceux qui résument un caractère, qui rendent visible une attitude, qui fixent une situation dans la mémoire. En veut-on quelques-uns pêle-mêle ? Ainsi le duo de Robert le Diable chanté par Tartarin avec Mme Bézuquet la mère, et le fameux : « Nan ! Nan ! Nan ! » les « doubles muscles » du même Tartarin, et presque tous ses mots : « Qu’ils y viennent ! — Ça, c’est une chasse ! — Des coups d’épée, messieurs, mais pas de coups d’épingle ! — C’est mon chameau ! Une noble bête ! Il m’a vu tuer tous mes lions ! » — Est-ce que cette phrase : « Tais-toi, boulanger, je t’en prie, » ne vous remet pas sous les yeux toute la scène de la Diligence de Beaucaire[1], le rémouleur immobile sous sa casquette pendant que ce farceur de boulanger conte les aventures de la jolie rémouleuse ? — Qui a pu lire le Phare des Sanguinaires[2] et oublier le gros Plutarque à tranches rouges, toute la bibliothèque du phare, et, parmi les grondements de la mer, dans le crépitement de la flamme et le bruit de l’huile qui s’égoutte et de la chaîne qui se dévide, la voix du gardien psalmodiant

  1. Lettres de mon moulin.
  2. Idem.