Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

on est capable soi-même, à les sacrifier avec soi, fût-ce un peu malgré eux, à l’œuvre de Dieu, qui prime tout. Ce saint n’hésite pas, pour secourir les pauvres, à réduire à la pauvreté la vieillesse de sa mère. Ce quelque chose d’impérieux, de tyrannique sous la mansuétude extérieure, cette absence de certains scrupules dans l’accomplissement de la tâche imposée par Dieu est bien encore d’une âme sacerdotale.

Une autre particularité, c’est l’imprudence et l’imprévoyance, on dirait presque l’ignorance de la vie réelle et de ses conditions, assez commune en effet chez les prêtres très saints. C’est que ni leur éducation ni leurs préoccupations habituelles ne sont bien propres à leur faire connaître le train du monde ; puis, leur confiance en Dieu est absolue, et elle ne peut être absolue que si elle est folle, si elle trouve le miracle chose naturelle. — Une dernière marque enfin, c’est que cette charité sans bornes est pourtant une charité catholique, pour qui les hommes sont frères moins par une communauté de destinée et une solidarité d’intérêt que parce qu’ils ont été rachetés tous par le Christ ; et cette charité n’a point pour véritable but le soulagement de la souffrance, mais elle poursuit, par le bien qu’elle fait aux corps, la conversion des âmes. Certes, l’abbé Courbezon se dépouille souvent sans arrière-pensée, par le mouvement irrésistible de son grand cœur ; mais cependant c’est surtout de fondations religieuses qu’il rêve.

Il est bien vivant du reste, encore qu’il puisse