Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passer pour le type même de la charité sacerdotale. Il a sa grosse face couturée de petite vérole, sa carrure de paysan, ses yeux à fleur de tête, ses gestes de fou et de rêveur quand ses grands projets le ressaisissent. Et quelle bonne joie naïve quand il peut enfin dresser ses plans, mesurer le terrain, planter ses jalons et embaucher ses ouvriers !


IV

Si l’abbé Courbezon est le héros de la charité, c’est plutôt la naïveté qui est la marque de l’abbé Célestin, une naïveté de prêtre, à la fois presque enfantine et un peu solennelle. L’éducation et la profession ecclésiastiques développent chez certaines âmes une extraordinaire candeur. Un bon prêtre ne saurait être un raffiné. L’idée très simple et toute grossière que le dogme catholique lui donne du monde, partagé en deux camps, n’est pas pour le pousser à l’étude ni à l’analyse des dessous de la réalité. S’il est curé de campagne, le confessionnal même et les péchés peu compliqués de ses ouailles ne lui apprendront pas grand’chose. Puis le scepticisme, le sens critique, le sentiment du ridicule, l’ironie, qui vient du diable, sont tout ce qu’il y a de plus opposé à l’esprit de sa profession. Un bon prêtre a l’âme simple, prend tout au sérieux et fait tout sérieusement. Son « détachement » surnaturel n’a rien