Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/69

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l’homme-dieu. Vous rappelez-vous le dernier sonnet de Persée et Andromède, quand les deux amants, élancés par les espaces, voient déjà luire les constellations où ils vont se fondre ?

    D’un vol silencieux, le grand cheval ailé,
    Soufflant de ses naseaux des jets d’ardente brume,
    Les emporte dans un frémissement de plume
    À travers la nuit bleue et l’éther étoilé.

    Ils vont. L’Afrique plonge au gouffre flagellé ;
    Puis le désert, l’Asie et le Liban qui fume ;
    Et voici qu’apparaît, toute blanche d’écume,
    La mer mystérieuse où vint sombrer Hellé.

    Et le vent gonfle, ainsi que deux immenses voiles,
    Les ailes qui, volant d’étoiles en étoiles,
    Aux amants enivrés font un tiède berceau ;

    Tandis que, l’œil au ciel et s’étreignant dans l’ombre,
    Ils voient, étincelant du Bélier au Verseau,
    Leurs constellations poindre dans l’azur sombre.

La troisième série est celle des sonnets et des poèmes inspirés par la prodigieuse histoire des conquérants de l’Amérique. Poésie tout proche des sonnets mythologiques, car elle célèbre l’œuvre la plus extraordinaire qu’aient accomplie les hommes à travers les âges, une aventure où ils se sont vraiment montrés « pareils à des dieux », puisqu’ils ont agrandi une planète et créé en quelque sorte un autre monde. Le grand élan héroïque, l’entrée dans l’inconnu, l’étrangeté, l’énormité du drame et l’éblouissement des décors, tout cela devait séduire M. de Heredia. Ces