Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/163

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terre, à ses us, à ses traditions, à son langage. Il recherche l’origine des superstitions locales, comme fait M. de Glouvet dans le Berger. Volontiers il sera membre de quelque société d’archéologie, et linguiste ou philologue à l’occasion. M. de Glouvet a étudié le vieux français et a sans doute collectionné les archaïsmes usités dans sa province. Souvent il interrompt le dialogue pour nous donner l’étymologie d’un mot ou d’une locution :

— Et Léontine, qu’en dit-elle ?

— Pas grand’chose. On la chapitre en répétant que je suis trop ci et trop ça, pour la dégoûter. D’aucunes fois elle s’en guémente, souventes fois non.

Se guémenter, verbe très usité sur les bords de la Loire, signifie proprement : s’inquiéter. Le Tourangeau Rabelais l’a employé à plus d’une reprise. Mais on devrait écrire : quémenter, car le mot vient sans nul doute de « quément », forme primitive de l’adverbe comment ; d’où le sens littéral : « se quémenter, se demander comment[1]. »

On comprend, après cela, que M. de Glouvet n’ait point résisté à la tentation d’écrire en vieux style des contes moyenâgeux. Je sais que cet exercice est assez facile, pour l’avoir pratiqué une fois par hasard, et j’ai connu des élèves de rhétorique qui y réussissaient mieux que dans le français d’aujourd’hui. On écrit

  1. Sauf erreur, se guémenter est plutôt une corruption du vieux verbe se guermenter (qu’on trouve, par exemple, dans Villon), et qui vient apparemment du latin populaire querimentari.