Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/166

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Les traits sont exacts, les épithètes sont justes : l’impression d’ensemble fait défaut. C’est tout l’opposé de l’ « impressionnisme » dans le style, que j’essayais dernièrement de définir[1]. M. de Glouvet n’hésite pas à écrire que le filet retient dans ses mailles « la perche vagabonde » et qu’il cueille à fleur d’eau « les habitants de la vague ». Il nous montre les peupliers « élancés » et les appelle « hôtes murmurants de la falaise ». Dans le même paragraphe, il nous parle de « fleurs mignonnes » et de « mystérieux ombrages ». C’est dire qu’il se contente d’écrire comme vous, comme moi, comme tout honnête homme de lettré peut le faire en s’appliquant.

Ailleurs il lui arrive de mêler, dans la même phrase, des archaïsmes et des locutions toutes modernes. Cela fait quelque chose d’assez hybride :

Le désert de Tessé faisait partie de son être ; mais le sentiment chez lui était passif, et ses accoutumances complétaient son cadre sans émouvoir sa pensée.

(Nous voyons dans la même page que « sa nature s’adaptait aux côtés dominants de cette vie physique. »)

Un chapitre commence ainsi : « Le berger demeura plusieurs mois dans cette griève malaisance. » Et quelques lignes plus bas nous le voyons qui « s’appesantit sous le fardeau de ses chimères inavouées ». — Tant de styles n’arrivent pas à faire un style. M. de Glouvet

  1. Voir l’article sur Mme Alphonse Daudet. (Les Contemporains, 1re série.)