Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/165

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tout le monde, un bric à brac littéraire assez semblable à celui que nous aimons dans nos mobiliers, où nous préférons parfois du faux vieux aux si jolis meubles soyeux et capitonnés qu’on nous fabrique aujourd’hui.

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Un bon magistrat est aussi un bon humaniste. Il lit les classiques latins ou même il les traduit. Il se souvient que Montaigne, Montesquieu, de Brosses ont été des magistrats. Il tourne des chansons ; il soigne sa correspondance, et ses amis disent : « Le président un tel, ah ! quel esprit charmant ! et quel lettré ! » Assez souvent il s’est formé un idéal de l’élégance du style, d’où le poncif n’est pas tout à fait absent.

M. Jules de Glouvet cite volontiers Théocrite et Virgile et il a des descriptions qui, je ne sais comment, semblent « élégamment » traduites d’une pièce de vers latins :

Le soleil dardait ses rayons brûlants sur la plaine desséchée. Les champs, limités par de maigres rangées d’ormeaux, avaient un aspect morne et grillé. De la terre poussiéreuse des effluves chauds s’élevaient ; les cigales grinçaient sous les herbes jaunies ; l’alouette planait lourdement, cherchant l’ombre. Des moissonneurs, coiffés de larges chapeaux de paille, allaient et venaient dans la vaste pièce de blé. Les faucheurs, haletants et l’échiné pliée, avaient entr’ouvert leur chemise ; la sueur coulait sur leur poitrine velue. Les faux sifflaient en cadence et les épis dorés se couchaient sous l’oblique morsure (obliquo morsu).