Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/185

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que aussi à beaucoup de Parisiens ; mais enfin, s’il y a des provinciaux à Paris, il y en a peut-être encore plus en province. Ce « je ne sais quoi », ne serait-ce pas le goût, la crainte de paraître trop content de son esprit, le discernement rapide du point qu’il ne faut pas dépasser sous peine de devenir affecté et ridicule ? Tout au moins, si on est ridicule à Paris, on l’est à la mode d’aujourd’hui, non à la mode d’il y a deux ou trois cents ans. Or, dans les trois quarts de ses poésies, M. Soulary n’est ni un romantique, ni un parnassien, ni un névropathe, mais un « précieux » des temps passés. C’est que la province garde mieux que Paris les vertus, les défauts, les travers, les modes d’autrefois. Il y a des coins où l’on découvre encore des jansénistes, des camisards, des comtesses d’Escarbagnas, des poètes de ruelle, etc., parfaitement conservés. Toute la vieille France se retrouve en province, çà et là, par fragments. Et c’est ainsi que M. Soulary, Lyonnais de Lyon, est un confrère de Voiture et un ami de Cathos et de Madelon.

Il n’est pas de style plus laborieux et plus cherché, de gentillesse plus emberlificotée. Voulez-vous savoir ce que devient, torturé par ce poète de trop d’esprit, une idée toute simple comme celle-ci : « Si j’avais appris à compter quand j’étais enfant, je serais plus riche que je ne suis ? »

 … Ha ! si depuis ce jour où je tombai novice
  À l’école, en quittant le sein de ma nourrice,
  J’avais su déchiffrer l’hiéroglyphe saint