Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/223

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avec lui. Et d’ailleurs, qui alors ne connaissait « le colonel Gassion », favori de Gustave-Adolphe, distingué et protégé par Richelieu ? Homme de guerre autant qu’on peut l’être, n’ayant rien du courtisan ni de passion que pour son métier, également prompt à la repartie et à l’action, on ne rencontre guère de figure plus originale… Depuis le 10 décembre 1641, il était mestre de camp général de la cavalerie avec autorité sur les autres maréchaux de camp. Exigeant beaucoup des troupes, toujours au premier rang, souvent blessé, indulgent aux pillards et terrible « dégâtier », comme on disait alors, il était adoré de ses soldats. Robuste, infatigable, usant force chevaux, très habile à manier ses armes, mais payant peu de mine, petit, replet, le visage osseux et presque carré, ses traits, son regard, annonçaient l’audace et la résolution plutôt que la supériorité de la pensée. Nous allons voir Gassion au pinacle, le plus actif, le plus clairvoyant des éclaireurs, le plus prompt, le plus vigoureux des officiers de bataille, réunissant ces parties si rares qui font le général de cavalerie complet.

Il est vrai que M. le duc d’Aumale ajoute : « Il n’avait pas l’étoffe d’un général en chef. » Il n’y en a pas moins une disproportion évidente entre ce portrait et le rôle presque nul que le narrateur prête à Gassion pendant la bataille. Et d’autre part, après avoir ainsi escamoté Gassion, M. le duc d’Aumale nous dit, dans les réflexions qui terminent son chapitre : « Ainsi que Sirot, Gassion sut presque deviner la pensée de son chef et lui donner le concours le plus intelligent et le plus énergique. » Qu’est-ce à dire : « sut presque deviner » ? S’il sut deviner la pensée