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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/229

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en telle année, j’accueillerais la nouvelle avec sang-froid et je prierais qu’on me dispense de le lire. Or, tous les efforts des épigraphistes ne vont pas à reconstituer la dixième partie de cet almanach, pour lequel, s’il existait, je ne me dérangerais pas. Les trois quarts des textes du moyen âge, laborieusement établis et publiés par des hommes persévérants, distillent un insupportable ennui et nous apprennent moins de choses essentielles que le portail de Notre-Dame de Paris. Le travail enragé de presque tous les érudits sur le passé n’aboutit la plupart du temps qu’à découvrir ou à démontrer de petits faits purement contingents, absolument vides de signification, et dont il n’y a rien à tirer pour la connaissance de l’humanité et de son histoire.

Quoi de plus inutile et de plus frivole que ces recherches ? Elles ne supposent d’ailleurs, chez ceux qui s’y sont voués, que de la patience, une sagacité moyenne et le goût d’une certaine activité sans invention, qui peut fort bien s’allier à une réelle paresse d’esprit. Elles sont le refuge des honnêtes gens à qui la grande curiosité, le sentiment du beau et le don de l’expression ont été refusés. Et pourtant ces médiocres occupations, « amusant leur intelligence par des difficultés faciles » (pour parler comme fait Flaubert à propos de Binet et de ses ronds de serviette), les gonflent d’aise et d’orgueil. L’érudit jouit de savoir des choses que les autres hommes ignorent. L’érudit méprise au fond les poètes, les romanciers, les critiques,