Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les journalistes. L’érudit est plein de morgue, parce qu’il fait partie d’une espèce de confrérie occupée de choses mystérieuses, qui a ses traditions, ses rites, son langage. L’érudit est entêté : il tient d’autant plus au résultat de ses recherches que ce résultat est plus mince : il ne veut pas avoir perdu son temps. L’érudit a l’esprit court : l’épigraphie l’empêche de comprendre l’histoire ; la philologie l’empêche de comprendre la littérature ; l’archéologie l’empêche de comprendre l’art. L’érudit, confiné dans sa tâche méticuleuse et inféconde, vit en dehors de la réalité, de la grande comédie humaine, et ne se doute pas à quel point elle est amusante et variée. L’érudit a un faible pour l’Allemagne. Il en a plein la bouche, de la « science allemande ». Bref, l’érudit est un être affreux, misérable et superflu.

Mais que de choses aussi à dire en faveur de l’érudit ! Il est vrai qu’il y en a de plusieurs sortes, et ce n’est peut-être pas de la même que je vais parler maintenant.

D’abord, lequel des deux fait la besogne la plus vaine, de l’érudit qui découvre les choses inutiles du passé, ou du « chroniqueur » qui raille l’érudit et qui conte et commente les choses inutiles du présent ? Est-il plus intéressant de savoir que Vultéius était, vers l’an 125, maire d’un village d’Italie, ou que Mme de Sainte-Veloutine portait l’autre jour un corsage vert à brindilles de jais ? Puis, l’érudit a ce mérite de n’écrire que pour quelques centaines d’érudits, comme le