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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/238

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… Certes nous avons eu, depuis la Renaissance, une littérature plus belle, plus variée, plus riche pour le cœur et pour l’esprit que la poésie rude et simple de Roland ; et, quand nous revenons écouter ce langage naïf en sortant des harmonies savantes de nos grandes œuvres littéraires, il nous semble entendre le bégayement de l’enfance. Mais surmontons cette première impression, prêtons une oreille attentive et sympathique, et nous reconnaîtrons que cet enfant robuste et sain, plein de vigueur, de bonté et de courage, que cet enfant qui est déjà le grand peuple français parle aussi la grande langue française. Elle aura plus tard des accents plus souples, plus nuancés, plus délicats ; elle n’en aura jamais de plus pleins et de plus justes, ni qui se fassent entendre de plus loin…

Ainsi ce prêtre austère de l’érudition a le cœur le plus sensible du monde. Et ce collationneur de vieux textes a l’esprit éminemment philosophique. Travailleur de bibliothèques, déchiffreur de parchemins, habile à fixer une date par des rapprochements et des déductions et à dresser la généalogie d’une famille de manuscrits, il l’est autant qu’aucun professeur de l’École des chartes. Lisez l’étude sur le Pèlerinage de Charlemagne, où il établit la date, l’origine et le sens de la vieille chanson : vous y verrez ce qu’il peut y avoir d’intérêt dans ces menues besognes. Le chapitre sur la légende religieuse de l’Ange et l’Hermite est encore un modèle de clarté, de précision et de sagacité. Mais déjà l’érudit s’y double d’un historien et d’un philosophe. Regardez-y de près : cette étude des transformations d’un vieux récit populaire con-