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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/283

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II

M. Émile Blavet ne s’élève que rarement jusqu’aux « idées générales » ; M. Blavet se contente de rapporter des faits, et il les choisit bien, et il les rend divertissants, même quand ils ne le sont guère, et cela tous les jours ; M. Blavet écrit une langue aisée, alerte, spirituelle. Il apporte dans cet horrible métier qui consiste à tenir le public au courant de ce qui se passe dans les salons, dans les théâtres, dans la rue, dans tous les mondes, une bonne grâce toujours égale et un sourire toujours prêt. Ce sont les réflexions d’un spectateur plein d’expérience, un peu désenchanté, non pas ennuyé pourtant, et jamais ennuyeux. Il est partout « le monsieur de l’orchestre », l’homme qui regarde pour son plaisir et ne veut pas en penser plus long.

Il sait, lui aussi, ce que demandent et ce qu’attendent ses lecteurs, l’immense multitude des badauds. Il a des égards pour leur naïveté, leur curiosité banale, leur hypocrisie inconsciente. S’il rend compte d’une entrevue avec le prince Victor, il n’ignore pas qu’un prince de vingt ans doit être de toute nécessité un homme remarquable, et il le dit. S’il vient à parler des petites filles qui, l’été, vendent des fleurs aux terrasses des cafés et vendraient volontiers autre chose, il sait qu’il faut s’indigner, et il s’indigne. S’il raconte