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III

HENRI ROCHEFORT


Il est rare qu’en étudiant une œuvre, même celle d’un auteur dramatique ou d’un romancier, on puisse séparer nettement l’homme de l’écrivain et toucher à celui-ci sans effleurer au moins celui-là. À plus forte raison s’il s’agit d’un journaliste. Mais si ce journaliste s’appelle Henri Rochefort, la chose devient tout à fait impossible. Essayez de ne considérer que l’écrivain : la définition de son tour d’esprit tiendra en quelques lignes, et qui ne vaudront presque pas la peine d’être écrites. Mais prenez-le tout entier, et vous vous trouverez en face d’un cas moral des plus intéressants et des plus irritants à la fois, par l’impossibilité où l’on est d’y voir clair jusqu’au fond.

Trop de scrupule et de timidité ne serait point ici de mise. M. Rochefort appartient au public. Il appartient même à l’histoire, et beaucoup plus qu’un grand nombre de ministres, dont vous avez, je pense, oublié les noms. Voilà vingt ans que la place publique entend son sifflet ou son ricanement. L’empire est tombé au son de cette crécelle et, depuis, elle n’a pas cessé de grincer un seul jour. Sur le drame ou la comédie des vingt dernières années, cette face pâle de mime n’a cessé de pencher sa grimace immuable, et qui paraît automatique, comme ces masques que