Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et, s’il faut donner un exemple, dans l’Histoire d’une Parisienne. Je rappelle le drame en deux mots. Jeanne Bérengère (quel joli nom !) a été mariée étourdiment par sa mère à M. de Maurescamp, une nature grossière qui ne comprend point les délicatesses de sa jeune femme. Rebuté par cet ange, il finit par « se retirer sous sa tente ». Jeanne, esseulée, cherche des consolations dans l’amitié de Jacques de Lerne, un viveur mélancolique et séduisant dont on peut se demander s’il est converti à l’amour immatériel ou s’il en joue en attendant mieux ; mais, provisoirement, il n’est qu’un adorateur platonique, un frère. Le mari de Jeanne Bérengère n’en croit rien et le lui tue en duel. Alors, pour se venger, elle se compromet avec un officier de chasseurs très fort à l’épée, l’affole en lui tendant, un soir, après dîner, un cigare qu’elle a mouillé de ses lèvres, et fait embrocher son mari par le chasseur.

L’histoire a du montant. Certains épisodes ne manquent pas non plus de saveur. Il y a une Mme d’Hermany qui reçoit, la nuit, un bellâtre dans le salon d’un hôtel de bains, et qui, surprise par Jeanne Bérengère, lui fait la plus jolie profession de nihilisme moral. « Elle s’est résignée à déchoir, à accepter les seuls plaisirs réels dont ce monde dispose. » — Jacques de Lerne raconte à Jeanne son premier amour, si pur, si poétique ! Une nuit, il se trouvait dans la chambre de la bien aimée, moins résigné que de coutume aux scrupules qu’on lui opposait ; mais la